le blason Vendéen

Cyrille Girard Généalogiste

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le blason Vendéen


Un acte de mariage barré

Le 23 janvier 1808, à Damery (51), Jean Louis Augustin Ruffin MALO, arpenteur, devait épouser Marie Louise GONEL, couturière en linge. L'acte de mariage a été rédigé par l'officier d'état civil de Damery ; il ne reste plus que les signatures à apposer. L'officier d'état civil a d'ailleurs laissé l'emplacement de ces signatures avant de commencer la rédaction de l'acte suivant. Mais ces signatures ne seront jamais apposées, et l'acte finira par être barré.

Acte de mariage barré Acte de mariage barré Acte de mariage barré Acte de mariage barré
Acte de mariage barré de Jean Louis Augustin Ruffin MALO et Marie Louise GONEL (source : AD51 2 E 229/16 vues 156-158/664)
(cliquez sur les vignettes)

Sur cet acte, on peut lire : "[...]est comparu le sieur Jean Louis Augustin Malo, agé de vingt huit ans, né en cette commune, arpenteur, y demeurant, fils majeur de sieur Antoine Nicolas Malo, notaire impérial, et de dame Marie Marguerite Lesage ses père et mère demeurant en cette dite commune ; lequel nous ayant exhibé les expéditions des trois actes respectueux faits aux dits sieur et dame Malo ses père et mère[...]".
Il convient ici de rappeler ce que sont les actes respectueux. Depuis l'avènement du code civil et jusqu'à une loi du 20 juin 1907, s'il n'était pas nécessaire d'avoir le consentement de ses parents pour se marier dès lors que l'on était majeur, il convenait néanmoins de leur notifier son projet de mariage par un acte respectueux. Ce dernier devait être notifié par deux notaires ou un seul notaire assisté de deux témoins. Si les parents refusaient de consentir au mariage, un deuxième acte respectueux leur serait présenté un mois plus tard, puis un troisième, encore un mois après. Enfin, après le troisième acte respectueux, le mariage pouvait avoir lieu. À noter que si le marié avait moins de 30 ans, ou si la mariée avait moins de 25 ans, il/elle n'avait besoin que d'un acte respectueux avant de pouvoir se marier un mois après. Signalons enfin que la présence des parents au mariage valait consentement.

Les choses semblent bien avoir été faites dans les règles : les trois actes respectueux ayant été présentés les 22 octobre, 22 novembre et 22 décembre 1807, le mariage pouvait avoir lieu le 23 janvier 1808. Alors, les mariés ne se sont-ils pas présentés devant le maire ? Cela paraît surprenant, après avoir fait les démarches des trois actes respectueux. Que s'est-il donc passé ?

Le même acte de mariage six semaines plus tard

La réponse réside certainement quelques pages plus loin dans le même registre d'état civil, puisque nos deux tourtereaux se sont présentés à nouveau devant le maire le 9 mars 1808 pour finalement vraiment se marier.

Acte de mariage de Jean Louis Augustin MALO et Marie Louise GONEL Acte de mariage de Jean Louis Augustin MALO et Marie Louise GONEL Acte de mariage de Jean Louis Augustin MALO et Marie Louise GONEL
Acte de mariage de Jean Louis Augustin Ruffin MALO et Marie Louise GONEL (source : AD51 2 E 229/16 vues 163-164/664)
(cliquez sur les vignettes)

Mis à part le fait que l'officier d'état civil commence son acte en bas à droite d'une page, juste en-dessous des signatures de l'acte précédent (les quatre mots L'an mil huit auraient été tout aussi bien sur la page suivante, cela aurait évité au généalogiste de devoir imprimer une page simplement pour ces quatre mots), qu'apprend-on de ce nouvel acte ?

Tout d'abord, on s'aperçoit qu'il n'est pas barré et que les signatures y sont, donc notre couple a bien été marié. Quant aux parents du marié qui n'étaient pas consentants un mois et demi plus tôt, ce qui avait nécessité trois actes respectueux, ils semblent avoir changé d'avis, comme on peut le lire : "[...]sont comparus le sieur Jean Louis Augustin Ruffin Malo, agé de vingt huit ans, arpenteur, né à Damery, y demeurant, fils majeur de sieur Antoine Nicolas Malo notaire honnoraire, et de dame Marie Marguerite Lesage, ses père et mère demeurant en cette commune, consentant ainsi qu'il appert par leur procuration passée devant Maître Claude Martin, notaire impérial à la résidence d'Épernay, y demeurant, le vingt cinq février dernier[...]".

Ce serait donc en raison d'un changement d'avis des parents du marié qui ont finalement décidé de ne plus s'opposer au mariage de leur fils, qui allait de toute façon se marier malgré leur avis, que le mariage initialement prévu le 23 janvier a été annulé, simplement pour être reporté, le temps que les parents fassent cette procuration consentant au mariage de leur fils. Ils veulent bien consentir, mais ils ne vont pas non plus lui faire le plaisir d'être présents à son mariage !

Alors pourquoi Maître Antoine Nicolas MALO, notaire impérial (qui au passage est devenu notaire honoraire sur cet acte, mais je ne pense pas que cela signifie ici qu'il n'exerce plus), a-t-il tout d'un coup décidé de consentir au mariage de son fils ?

On peut comprendre que le mariage entre un homme issu de la haute bourgeoisie (fils de notaire) avec un fille issue du monde agricole (même si on peut supposer que des vignerons en Champagne sont des paysans riches) ne plaise pas au père du marié au début du XIXe siècle. Mais, dans une commune qui comptait un peu moins de 2000 habitants à l'époque, Maître MALO a-t-il eu peur que son non-consentement au mariage de son fils ait des conséquences sur son étude et sur ses finances ?

En tout cas, ce que l'on peut retenir, c'est qu'on a probablement affaire à un vrai mariage d'amour...

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