le blason Vendéen

Cyrille Girard Généalogiste

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le blason Vendéen


Un curé bavard...

L'abbé Vergès, curé de Lairoux en Vendée de décembre 1761 (il signe son premier acte paroissial le 28 décembre) à sa mort le 15 juillet 1793 fait partie des curés dits constitutionnels ou jureurs puisqu'il prêtera le serment à la constitution civile du clergé en 1791. Le Dictionnaire des Vendéens des Archives départementales de la Vendée, en association avec la Société d'Émulation de la Vendée, lui consacre un article.

Il agrémente ses registres paroissiaux de chroniques sur des sujets divers et variés. Il parle autant de la gout[t]e sereine (maladie de l'œil appelée aussi amaurose) que d'événements climatiques (tremblement de terre le 30 avril 1776, tempête le 17 janvier 1784) ou encore du temps qu'il a fait dans l'année écoulée et des récoltes qui en ont résulté.

...ayant de solides connaissances en astronomie

Mais ce qui a attiré mon attention, c'est la description qu'il a faite du passage d'une comète le 17 avril 1766. Voici ce qu'il écrit à propos de cette comète :

Observation d'une comète par le curé de Lairoux en 1766
Observation d'une comète par le curé de Lairoux en 1766 (source : AD85 EDépôt 117/90, Lairoux, BMS 1762-1792, vue 50)
(cliquez sur la vignette)

Le dix-sept avril de l'année 1766 fût aperçue par nous dans la
partie australe une commete dont le mouvement paroissoit parallelle
à l'orbite de la Terre, elle se levoit et se couchoit avec le soleil, son orbite paroissoit
une fois grand que celuy de Venus à son plein, elle coupoit à angles
droits pandant la journée la constellation d'Orion, l'œil du taureau[1] et
le bélier, quelquefois suivant quelquefois devançant le soleil, toujours
disparoissant avec luy : sa queue en forme de lance et d'un brillant serein
jusques à huit heures du soir se levoit après le coucher du soleil jusques à
trente six et trente sept degrés de latitude nor-ouest quart de Nord
embrassant les gémeaux et les playades[2] le soleil s'approchant du
solstice d'été la laissa sans doute dans la partie septentrionale je n'ai
point vu s'il en fût parlé dans les nouvelles, et si les astronomes de
Paris en firent leurs observations. Cette commete fût aperçue de
toute ma paroisse et comme elle ne se montroit point malfaisante
les esprits n'en fûrent point épouvantés.

[1] L'œil du Taureau : il s'agit de la planète Aldébaran
[2] Les Playades : il s'agit en fait des Pléiades, amas ouvert d'étoile qu'on observe dans la constellation du Taureau

Le fait qu'il cite les constellations (Orion, Taureau, Bélier, Gémeaux) ainsi que les Pléiades, prouve qu'on a affaire à un érudit. Mais, plus encore, la comparaison de l'orbite avec celle de Vénus, ainsi que le fait qu'il parle de la latitude (on parlerait aujourd'hui de déclinaison) à laquelle la comète semble se promener, prouvent que notre abbé possède de bonnes connaissances en astronomie.
Ce fait n'est pas surprenant quand on sait (cf l'article sur le Dictionnaire des Vendéens) que l'abbé Vergès était un jésuite et qu'il a donc dû recevoir pendant sa formation un enseignement en astronomie.

La comète D/Helfenzrieder

L'abbé Vergès précise dans son texte qu'il n'a point vu [...] si les astronomes de Paris en firent leurs observations. J'ai donc cherché à savoir si cette comète avait été observée par des astronomes, et si ces observations collaient avec celles de l'abbé Vergès. Je suis tombé sur plusieurs références intéressantes :

Une comète perdue...

C'est sur le site de Gilbert Javaux, un passionné d'astronomie, que j'ai découvert que la comète observée en ce 17 avril 1766 par l'abbé Vergès n'est jamais revenue nous rendre visite. Sur ce site sont précisés les éléments orbitaux de la comète, ainsi que les commentaires suivants : La comète D/Helfenzrieder (1766 G1) a été découverte à l'oeil nu le 01 Avril 1766 par l'allemand Helfenzrieder. Toutefois, l'orbite était incertaine, et sa trajectoire a probablement été perturbée après 1766 par un passage auprès de Jupiter. La comète n'a pas été revue pour les retours suivants.

Sur le site cometography (en anglais), on apprend que notre comète a été découverte par l'astronome allemand J.E. Helfenzrieder à Dillingen le 1er avril 1766, puis observée indépendamment par les français C. Messier et C.F. Cassini de Thury le 8 avril 1766. D'après Messier, elle était visible à l'œil nu et avait une queue d'une longueur de 4°. La dernière observation de la comète par les deux français date du 12 avril 1766 et Pingré a calculé une orbite dont le périhélie serait atteint le 17 avril 1766, avant que ces calculs ne soient révisés par Pingré puis par d'autres. L'observation de l'abbé Vergès le 17 avril 1766 aurait probablement pu aider les astronomes dans leurs calculs... et qui sait si l'exhumation de ses observations ne servira pas à des astronomes du XXIe siècle désireux de réétudier cette comète éphémère ?

...observée par Charles Messier

En tout cas, l'astronome français Charles Messier, éminent chasseur de comètes, et auteur du catalogue d'objets du ciel profond qui porte son nom, répond à la question de l'abbé Vergès en publiant ses observations de la comète d'avril 1766 dans le volume de l'année 1773 de l'Histoire de l'Académie Royale des Sciences entre les pages 163 et 167. Il s'agit de la seconde comète qu'il observa en 1766, et de la 56e au total. Je ne retranscrirai pas ici l'ensemble des observations de Messier, mais je ne résiste pas au plaisir de vous reproduire la carte céleste représentant les trajectoires des deux comètes observées par Messier en 1766, gravée d'après le dessin qu'il a lui-même réalisé.

Trajectoires des comètes de 1766 par Charles Messier
Trajectoires des comètes observées par Charles Messier en 1766 (crédit Gallica BNF)
(cliquez sur la vignette)



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