Cyrille Girard Généalogiste

Un exemple d'utilisation des tables des hypothèques

Énoncé du problème

Pierre LIMOUZIN, né au Gué-de-Velluire (85) le 23/11/1828, a épousé Marie GODIN à Nalliers (85) le 27/05/1856. De cette union naîtront deux enfants :

• Marie Rose Françoise
  • née à Nalliers le 15/07/1857
  • mariée à Nalliers avec Jean Augustin BODIN le 12/05/1879
  • divorcée de Jean Augustin BODIN par jugement du 12/08/1903, transcrit dans les registres de Nalliers le 09/06/1904
• Pierre Jean Lucien Alfred
  • né à Nalliers le 27/02/1864
  • marié à Nalliers avec Adélaïde Valentine Eugénie Léontine VÉQUAUD le 23/10/1889
  • décédé à Nalliers le 21/04/1922

Marie GODIN est décédée à Nalliers le 23/04/1904 ; Pierre est vivant à ce moment-là. D'autre part, il est dit décédé sur l'acte de décès de son fils Pierre Jean Lucien Alfred LIMOUZIN. Cependant, son acte de décès est introuvable dans les registres de Nalliers. La recherche dans les tables des successions et absences des bureaux de Luçon, dont dépend Nalliers, et de Fontenay-le-Comte, où il serait susceptible d'être décédé à l'hôpital, est infructueuse. D'autre part, il est absent du recensement de population de Nalliers en 1906. Notons que sa fille Marie Rose Françoise est absente également du recensement de population de Nalliers en 1906. On peut en déduire qu'elle a probablement quitté Nalliers après son divorce (un divorce au début du XX^e siècle était plutôt mal vu, surtout dans ces campagnes très pieuses) et que son père se soit installé chez elle après le décès de son épouse. Si on arrive à trouver le nouveau domicile de la fille, il est probable qu'on trouve également le lieu de décès du père.

La question est donc simple : où est décédé Pierre LIMOUZIN ?

Quelles ressources en ligne sont à notre disposition ?

Comme les sources traditionnelles (état civil, tables des successions et absences, recensements) ont donné des recherches infructueuses, il s'agit de rechercher des informations dans d'autres sources en ligne. Sur le site internet des archives départementales de la Vendée, il existe un certain nombre de ressources en ligne. Parmi celles-ci, le cadastre, ou encore les tables alphabétiques du répertoire des formalités hypothécaires. Si le cadastre ne va pas nous être utile ici, il n'en est pas de même des hypothèques, comme on va le voir.

Recherche dans les formalités hypothécaires

Sans rentrer dans les détails, il faut savoir que les registres des formalités hypothécaires d'un arrondissement dans lequel se trouve un bien foncier recopient intégralement tout acte notarié ayant enregistré la mutation de ce bien. Ils permettent donc de retrouver facilement le notaire qui s'est occupé d'une transaction. Ainsi, au décès de Pierre LIMOUZIN ou à celui de son épouse, il est probable que ses enfants aient hérité de leurs biens immobiliers et qu'une case à leur nom ait été créée dans le registre des formalités hypothécaires à ce moment-là.

La recherche dans les formalités hypothécaires se fait en plusieurs étapes :

1. Recherche dans le registre indicateur des tables alphabétiques qui renvoie au numéro de la table alphabétique
2. Recherche dans la table alphabétique qui renvoie aux numéros de volumes et aux numéros de cases à consulter
3. Recherche dans le répertoire des formalités hypothécaires qui donne le détail des mutations foncières concernant la personne étudiée
4. Recherche dans les registres de formalités dans lesquels les actes de mutations sont recopiés

Nous nous contenterons des deux premières étapes ici, les deux suivantes nécessitant un déplacement aux archives départementales et s'avérant inutiles dans la recherche qui nous concerne ici. En effet, dans les tables alphabétiques, il y a une colonne Domiciles dans laquelle tous les domiciles successifs devraient être notés.

Recherche dans le registre indicateur

Le registre indicateur permet de trouver, pour un patronyme donné, le numéro de registre de la table alphabétique dans lequel il est listé. On se reportera alors à ce registre pour retrouver les numéros des volumes dans lesquels on retrouvera les cases ouvertes aux noms de Pierre LIMOUZIN et de ses deux enfants. On peut remarquer au passage que les différentes variantes orthographiques d'un même nom sont regroupées dans la même table alphabétique, ce qui peut être bien pratique dans certains cas, comme ici LIMOUSIN ou LIMOUZIN par exemple. Le registre indicateur de la table alphabétique du répertoire de la conservation des hypothèques de Fontenay-le-Comte (arrondissement dont dépend Nalliers) pour le patronyme LIMOUZIN est coté 4 Q 9656. On trouve à la vue 114/203 que le patronyme LIMOUZIN se trouve dans le volume 84 de la table au folio 95.

Recherche dans la table alphabétique

On peut alors passer à la deuxième étape, la recherche dans la table alphabétique, dont le volume 84 est coté 4 Q 9938 ; le folio 95 de ce volume est à la vue 79/163 mais c'est aux vues 81 et 84/163 qu'on va trouver les noms de nos protagonistes.

Les différentes colonnes de cette table sont Noms des conjoints, Prénoms, Date et lieu de naissance, Professions, Domiciles, Numéro du volume du répertoire, Numéro de la case. On remarque que pour Pierre, le nom de sa conjointe GODIN est accompagné des numéros de volume et de case correspondant à Marie GODIN, volume 85 case 33, alors que lui-même est au volume 85 case 32. Ses professions notées sont agriculteur et batelier, alors que ses domiciles successifs sont Le Gué-de-Velluire et Nalliers. Quant à ses enfants, ils sont listés sous leurs prénoms d'usage Lucien et Rose. Lucien, époux VÉQUAUD, cultivateur, domicilié à Nalliers, est au volume 298, case 532, alors que Rose, servante, domiciliée à Nalliers et à La Rochelle, est au volume 298, case 533. Notons que les cases correspondant à Lucien et Rose sont consécutives, ce qui veut dire qu'elles ont été ouvertes en même temps, probablement au moment d'un héritage.

L'inventaire en ligne nous permet de voir que le volume 85, coté 4 Q 10095, concerne des cases ouvertes entre le 12/08/1856 et le 28/10/1856, alors que le volume 298, coté 4 Q 10308, concerne des cases ouvertes entre le 21/11/1904 et le 23/02/1905. On peut donc déjà en déduire que Pierre et son épouse Marie ont acheté un bien immobilier quelques mois après leur mariage, alors que leurs enfants ont hérité des biens de leur mère à son décès, leurs cases ayant été créées entre 6 mois et 1 an après le décès de cette dernière.

Mais l'information qui va nous servir ici, c'est que Rose est domiciliée à Nalliers et à La Rochelle. Elle a donc probablement déménagé à La Rochelle après son divorce. Reste à savoir si son père l'y a rejointe après son veuvage et y est décédé. Ce sera l'objet de la suite de cette recherche.

Recherche sur le site des archives départementales de Charente-Maritime

C'est le moment de quitter le site des archives départementales de la Vendée pour celui des archives départementales de la Charente-Maritime, et en particulier l'état civil de La Rochelle.

Recherche dans les tables décennales de La Rochelle

Commençons par les tables décennales pour la décennie 1903-1912, cotées 5 E 802*. On y trouve à la vue 284/346 un Pierre Jean LIMOUZIN, décédé le 21/07/1905, l'acte portant le numéro 413. S'agit-il de notre Pierre ? On peut noter que le patronyme est écrit avec un Z, ce qui est plutôt bon signe, mais notre protagoniste n'a jamais porté le prénom Jean, ni sur son acte de naissance, ni en tant que prénom usuel, puisqu'il s'est toujours présenté comme Pierre LIMOUZIN, en particulier quand il a déclaré les naissances de ses enfants.

La même recherche dans les tables décennales pour la décennie 1913-1922 ne nous donnera qu'un LIMOUZIN qui est un enfant mort-né.

Vérification dans les registres de La Rochelle

Voici l'acte de décès de Pierre Jean LIMOUZIN du 21/07/1905, trouvé dans le registre des décès de La Rochelle pour l'année 1905, coté 2 E 312/817, à la vue 108/198.

La première remarque qu'on peut faire est qu'il s'agit bien de Pierre LIMOUZIN, veuf de Marie GODIN. Comme lui, sa défunte épouse a été affublée sur l'acte d'un deuxième prénom, Rose, qui n'est autre que le deuxième prénom et prénom usuel de sa fille. D'autre part, l'âge sur l'acte correspond. Les déclarants n'étant pas de la famille, il est normal que les informations qu'ils fournissent soient approximatives, voire lacunaires, comme par exemple les noms des parents de Pierre. On voit que le lieu de naissance noté sur l'acte est Marans (17) et non Le Gué-de-Velluire. Les deux communes ayant une frontière commune, délimitée par la rivière Vendée, sur environ 1 km, il n'est pas si étonnant que l'information soit déformée, d'autant que Pierre n'habite ici que depuis un an environ, grand maximum !

Enfin, si on veut être très rigoureux, il faut vérifier qu'il n'existe pas de Pierre Jean LIMOUZIN né à Marans vers 1827-1828, et marié à une Marie Rose GODIN ; après tout, une double homonymie est tout à fait possible ! Cette vérification se fait rapidement dans les tables décennales de Marans.

Conclusion

Dans cette recherche, on a détourné la fonction des tables alphabétiques du répertoire des formalités hypothécaires, en utilisant une information qu'elles fournissent : les domiciles des personnes qui y sont enregistrées. Le conseil que je peux donc vous donner est le suivant : n'hésitez pas à consulter les différentes sources mises à votre disposition, sur le site internet des archives départementales en premier lieu, et sur place en salle de lecture si vous pouvez vous déplacer, celles-ci sont toujours susceptibles de vous donner des indices quant à l'information que vous cherchez !

Et si vous voulez en savoir plus sur les hypothèques, je vous conseille le guide Utiliser le cadastre en généalogie de Marie-Odile Mergnac aux éditions Archives&Culture. Il vous permettra de vous familiariser avec ces ressources que sont le cadastre et les hypothèques et qui ne sont pas toujours évidentes à appréhender au premier abord.