Le Journal des Marches et Opérations de la 88e
division d'infanterie territoriale (Mémoire des Hommes, 26 N 413/1) relate cette opération dirigée par le général Antoine de Villaret. Précisons qu'il s'agit bien
d'Antoine et non de son frère Étienne de Villaret, lui aussi général, qui commandait à la même époque la 14e division d'infanterie.
On pourra également consulter les J.M.O. du
83e régiment d'infanterie territoriale
(Mémoire des Hommes, 26 N 791/6) et du 84e
régiment d'infanterie territoriale (Mémoire des Hommes, 26 N 791/10), ce dernier donnant un état nominatif des officiers, sous-officiers et soldats tués, blessés,
faits prisonniers ou disparus aux combats de Tournai et Bleuvache le 24 août 1914.
Deux bataillons des 83e et 84e régiments d'infanterie territoriale sont envoyés défendre les accès et ponts de la ville contre le 2e Corps
de cavalerie allemand du Général von der Marwitz, en marche pour couper la retraite vers Le Cateau-Cambrésis des troupes britanniques qui venaient de s'opposer à Mons le
23 août à l'avance de la 1ère Armée allemande.
Cette mission de sacrifice, relevée par des soldats âgés armés de leurs seuls fusils Lebel contre des forces bien supérieures en nombre, dotées de mitrailleuses et
d'artillerie, aura pour effet de retarder d'une journée la progression des divisions de cavalerie et des bataillons de chasseurs allemands, permettant ainsi à l'Armée
britannique de s'échapper vers le sud.
Voici ce qu'on peut lire sur le J.M.O. de la 88e D.I.T.
(vues 5 à 9) :
Vers 17h30 le général d'Amade vint à Templeuve et dicta l'ordre suivant : Une opération sera exécutée pour la reprise de Tournai
et la récupération de ce point important. L'opération sera exécutée de nuit en ce qui concerne la marche d'approche et de jour en ce qui
concerne l'attaque. On s'efforcera de faire irruption dans toutes les rues de la ville, une fraction étant dirigée vers les ponts, ligne de retraite de l'ennemi.
L'opération s'exécutera avec deux bataillons d'infanterie sous la direction personnelle d'un Général de
Brigade.
Le succès exige le secret le plus absolu et l'attaque sans hésitation des avant-postes qui pourraient exister.
Avoir soin qu'aucun habitant ne précède les colonnes pour aller donner l'alarme et, en assaillant les avant-postes, s'efforcer d'empêcher aussi l'alerte d'être donnée
aux cantonnements.
Un escadron de cavalerie sera mis à la disposition du général qui dirigera l'opération.
Un bataillon sera laissé à Tournai, qu'il mettra en état de défense ; le deuxième bataillon ralliera les cantonnements qui lui seront indiqués.
Aussitôt, le Chef d'État Major, Lieutenant
Colonel Scherbeck partit pour Cysoing pour porter cet ordre au Général de Villaret
et convenir des mesures d'exécution. Il fut décidé que le Général de Villaret disposerait du 2e
Bataillon du 83 et du 3e Bataillon du 84, d'un Escadron de dragons débarqué à Orchies
et d'un Escadron de cuirassiers qui devait lui être envoyé de Lille.[...]
Je ne reproduis pas tout ici mais je vous invite à aller lire la relation qui est faite de l'offensive puis du repli des troupes françaises devant les forces allemandes
sur le site Mémoire des Hommes.
On peut lire le bilan de cette opération en marge de la vue 6 du J.M.O. :
État des pertes du 24 août
1e Officiers :
Tué : Commandant Delahaye du 83e ; Blessés : Général Dennery commandant la D.I.,
le lieutenant-Colonel Scherbeck son Chef d'État-major et les capitaines Jean Verwort et Léonard Laval du 84e -
Disparus : Général de Villaret commandant la 176e Brigade ; Capitaines Delaliau et Bouchoux ; lieutenants de Sérignac, Guérin,
Gusteau et le sous-lieutenant Lemauff du 83e ; Commandant Albert Mayer, lieutenant Georges d'Horte et le sous-lieutenant Charles Leonetti du 84e.
2e Troupes : Tués : 28 hommes du 83e, 20 du 84e et 2 cavaliers
[texte ajouté au-dessus]1 sous-officier du 83e et 1 sous-officier du 84e
[fin de l'ajout] ; Blessés : 1 sous-officier et 3 hommes du Q.G., 1 homme du 81e, 1 sous-officier du 82e, 3
sous-officiers du 83e, 46 hommes du 83e, 43 hommes du 84e, 1 sous-officier et 8 cavaliers ; Disparus :
2 sous-officiers et 81 hommes du 81e, 35 sous-officiers et 678 hommes du 83e, 22 hommes du 84e et 5 cavaliers.
3e Chevaux : Tués : 3 du 81e, 17 du 83e, 8 du 84e et 12 de la
cavalerie ;- Blessés : 5 chevaux du Q.G.
Le bilan total de l'opération est donc de 53 morts, 111 blessés et 833 disparus.
Parmi les 833 disparus, il y a 22 hommes du 84e régiment d'infanterie territoriale. Parmi ces 22 hommes, figure mon trisaïeul Jean Auguste Eugène AUGER. Sur son registre matricule (Archives Départementales de la Vendée, 1 R 512, vue 608), on peut lire :
Disparu le 24 août 1914 à Tournai
(Avis Ministériel du 8 avril 1915)
Fait prisonnier le 24 août 1914 à Tournai. Interné
à Altengrabow, Soltau. Rapatrié armistice. Rentré
en France le 5 janvier 1919. Rentré au dépôt après
permission de 60 jours le 10 mars 1919.
C'est sur le site du Comité International de la Croix Rouge (CICR) qu'on peut suivre la trace d'un prisonnier de guerre de la Première Guerre Mondiale. Voici les documents que j'ai pu récupérer à propos d'Eugène AUGER :
Le premier de ces documents nous apprend que Jean Auguste Eugène AUGER, de Sérigné, simple soldat au 84e régiment territorial d'infanterie à Fontenay-le-Comte,
1ère compagnie, 8e escouade, a disparu probablement le 2[...] (les caractères ici sont effacés mais on sait qu'il s'agit du 24 août) aux environs de
Tournai. La personne qui a rempli cette fiche indique d'autre part qu'elle ignore s'il est blessé
, et ne sait pas s'il est interné. Enfin, l'adresse de la personne
à renseigner est donnée ; il s'agit de son épouse, à Sérigné. La fiche a donc été établie suite à une lettre de demande de Marie, l'épouse d'Eugène.
Le second document est plus intéressant. Il s'agit également d'une fiche de renseignements où l'on apprend que la personne qui a rempli cette fiche est sans nouvelles
d'Eugène depuis le 20 août et qu'il est présumé prisonnier après le combat de Tournai du 24 août. La demande de renseignements émane ici de son frère Jean AUGER,
facteur-chef à la gare de Luçon. Ce dernier était engagé volontaire à l'âge de 18 ans en 1895 pour le 2e régiment de chasseurs d'Afrique où il est resté 4 ans.
Employé aux chemins de fer depuis sa retraite militaire, c'est dans la 4e section de chemins de fer de campagne qu'il sera considéré comme appelé sous les
drapeaux
.
Pour en revenir à notre fiche de renseignements, elle nous donne les cotes des listes de prisonniers dans lesquelles Eugène est mentionné, à savoir les documents cotés
P 8120, P 8883, P 23996 et P 54074. Les 2 premiers documents sont rattachés au Gefangenen Lager
Altengrabow
, alors que le troisième se rapporte au Gefangenenlager Celle
.
Gefangenenlager se traduit en français par camp de prisonniers. On peut également lire sur cette fiche
Communiqué famille : 13/1/15
, ce qui signifie probablement que la famille d'Eugène n'a été prévenue de son statut de prisonnier qu'une fois que le CICR en a été
certain (le tampon-dateur des services du CICR mentionnant les dates de réception des documents cotés P 8120 et P 8883 comme étant le 30 décembre 1914 et le 6 janvier
1915), le 13 janvier 1915, soit quatre mois et demi après qu'il a été fait prisonnier... Le document coté P 23996 est daté du 26 juin 1915 et au verso de la fiche, on
peut lire Communiqué famille : 26/7/15
, ce qui correspond à la date à laquelle le changement de camp d'Eugène a été communiqué à sa famille. On peut enfin y lire
la cote P 54074, qui correspond à un quatrième document, sans aucune autre précision.
Les quatre derniers documents, cotés P 8120, P8883, P 23996 et P 54074 sont donc des listes de prisonniers.
Sur le premier, daté du 20 octobre 1914, et fiché au CICR le 30 décembre de la même année, la 10e ligne peut se traduire ainsi : Auger, Eugène | Soldat |
84e régiment territorial d'infanterie | fait prisonnier à Tournai | détenu au camp d'Altengrabow
.
La liste suivante, qui a été fichée au CICR le 6 janvier 1915, et qui est intitulée Liste Mannschaftsgefangenenlager Alten-grabow
soit liste des prisonniers du
camp de prisonniers d'Altengrabow
donne sur la 7e ligne : Auger | Eugène | Gemeine (qu'on pourrait traduire par "simple soldat") | 84e
régiment territorial d'infanterie | nationalité française | fait prisonnier à Tournai
.
La troisième liste, fichée au CICR le 26 juin 1915, porte en titre Lieu : camp de prisonniers de guerre de Cellelager
. Elle nous apprend donc qu'Eugène a été
transféré d'Altengrabow à Celle entre janvier et juin 1915. Il apparaît sur la 18e ligne : Auger | Eugène | Sérigné (lieu d'habitation) | soldat |
84e régiment territorial d'infanterie | 12e compagnie | Tournai (lieu où il a été fait prisonnier) | Cellelager (lieu de détention)
.
Enfin, la dernière liste, fichée au CICR le 23 février 1917, est une liste de prisonniers du camp de prisonniers de Hamelin (Geflg. Hameln), sur laquelle les dates et lieux
de naissance et de capture d'Eugène sont précisés.
N'ayant pas d'autre liste de prisonniers sur laquelle Eugène apparaît, il faut certainement en déduire qu'il n'a été détenu qu'au camp d'Altengrabow pendant quelques mois
puis dans celui de Celle de 1915 à 1917, et enfin à Hamelin de 1917 à l'armistice. Rappelons-nous toutefois que son registre matricule indique Interné à Altengrabow,
Soltau
. Aurait-il été transféré de Hamelin à Soltau à un moment donné sans qu'une liste de Soltau sur laquelle son nom apparaît n'existe dans les archives du CICR ? Ou
y a-t-il une erreur sur le registre matricule ? La question reste posée...
Dix ans jour pour jour après cette bataille de Tournai, la ville inaugurait un monument en hommage aux 53 soldats vendéens morts le 24 août 1914. Les Archives Départementales de la Vendée conservent, dans le fond Bocquier, sous la cote 59 J 50, une série de photographies et de coupures de presse rendant compte de cette journée de commémoration, sous le titre : Érection du monument des vendéens à Tournai (Belgique) en hommage aux 53 soldats vendéens morts le 24 août 1914 en défendant la ville, 24 août 1924 : photographies des cérémonies et du monument, compte rendu dans la presse locale (coupures de presse et journaux le Courrier de l'Escaut les 24-25 août 1924, la Voix du Commerce le 5 juillet 1925).
Sur ce monument aux Vendéens, une plaque de granit porte cette inscription :
Aux territoriaux de la Vendée du 2e et 3e bataillon du 83e et du 84e régiment d'infanterie. Pour la civilisation et le droit menacés, ils renouvelèrent ici, le 24 août 1914, l'un des légendaires exploits qui, dans l'histoire, méritèrent aux Vendéens, leurs ancêtres, le titre de géants des combats. Passant, découvre-toi, incline-toi. Sous ce tertre, 53 des leurs reposent.
Citons pour terminer les noms de ces soldats vendéens (pour la plupart) tombés au combat ce 24 août 1914 à Tournai (on pourra lire à ce propos ce lien sur le site 1418bd.free.fr ainsi que la liste de ces soldats sur le site MemorialGenWeb) ; parmi eux figure mon arrière-arrière-grand-oncle Albert Armand JACQUES, petit-fils de André Jean JACQUES et Antoine JARDIN.
Certains noms apparaissent sur le Monument aux Vendéens mais ne semblent correspondre à aucun Mort pour la France tombé à Tournai ; il s'agit de :
Si vous avez des renseignements sur ces soldats, merci de me contacter.
Enfin, j'ai trouvé sur le site Mémoire des Hommes deux Vendéens morts pour la France à Tournai ce 24 août 1914, mais qui ne figurent pas sur le Monument Commémoratif des Vendéens ; il s'agit de :
Bonjour,
il s'agit de mon AGP Maurice Alexandre André GODET, Caporal " Mort à l'ambulance suite de blessures, à Cysoing".
Il pourrait figurer sur le Monument Commémoratif des Vendéens.
Un généalogiste de Vendée m'écrit: "Selon mes données, le régiment s'est battu à Tournai en Belgique la veille de son décès, Cysoing n'est qu'à 16 km de là, je pense qu'il a probablement été blessé lors de ce combat puis est décédé de ses blessures à l'ambulance le lendemain au cours de la retraite."
Sa sépulture se trouve à Ablain St Nazaire/ Necropole Nationale ND de Lorette.
Cordialement
Brigitte Fleming
posté le 15/08/2018 à 19h08min13s par Fleming Brigitte
Bonjour,
il s'agit de mon AGP Maurice Alexandre André GODET, Caporal " Mort à l'ambulance suite de blessures, à Cysoing".
Il pourrait figurer sur le Monument Commémoratif des Vendéens.
Un généalogiste de Vendée m'écrit: "Selon mes données, le régiment s'est battu à Tournai en Belgique la veille de son décès, Cysoing n'est qu'à 16 km de là, je pense qu'il a probablement été blessé lors de ce combat puis est décédé de ses blessures à l'ambulance le lendemain au cours de la retraite."
Sa sépulture se trouve à Ablain St Nazaire/ Necropole Nationale ND de Lorette.
Cordialement
Brigitte Fleming
posté le 15/08/2018 à 19h04min24s par Fleming Brigitte